Charlelie COUTURE
Passages
« Ma vie déborde et j’ai toujours essayé d’outrepasser la « nécessité », écrit CharlElie dans son dernier recueil, La Mécanique du ciel (Éd. Le Castor astral, 2018). D’une berge à une autre, d’un état d’esprit à un autre, d’une forme à une autre, son travail de plasticien s’affranchit des codes et refuse tout ce qui pourrait le figer : l’art est passage, et les œuvres réunies dans l’exposition permettent de cerner toute forme d’écriture urbaine.
Les 27 peintures sélectionnées portent la marque de l’univers urbain de New York, où CharlElie s’est installé en 2003, après le décès de son père, et a vécu jusqu’en 2017. Profondément affecté, il était désireux de donner à son œuvre de plasticien menée depuis les années 1970 une nouvelle impulsion. Avec New York, qui refermait alors les plaies du 11-Septembre, CharlElie a ressenti une profonde adéquation, une correspondance intime. En écho même à sa démarche de reconstruction personnelle, New York tentait en effet de redevenir la « ville debout ». Entre les gratte-ciels traités en nuances de noir et de gris, les pathways, passages piétons, zèbrent de leurs larges bandes blanches le noir opaque du bitume : ces lignes, « ont-elles été tracées pour nous contraindre ? Sont-ce des conseils ou des ordres ? », s’interroge CharlElie. Dans l’œuvre intitulée Mantegna, leur rythme obsédant s’invite jusque sur la figure humaine, évoquant les plis du linceul du Christ mort du peintre de la Renaissance. Le plus souvent, un cerne noir ou blanc suggère une silhouette où s’inscrivent les rues de New York, parfois peuplées de passants anonymes. Dans le contraste violent des valeurs, la couleur s’invite comme par effraction – azur lumineux du ciel de Greatnesses et éclat du jaune dans A Day Like Another – ou bien ouvre une violente déchirure dans Game Grid. Parfois, un aphorisme fait de l’image un emblème, porteur d’une interrogation. Dans The Schrift, le buste d’un corps inerte traité en lavis brun s’accompagne ainsi d’une inscription déployée en lettres vibrantes : « Something had to be said before it was too late » (quelque chose devait être dit avant qu’il soit trop tard). Pour CharlElie, l’œuvre naît en effet dans l’urgence d’un état poétique, produit d’une conjonction de hasards, hors de toute préméditation. Elle met en résonnance le dedans et le dehors. Entre les pôles du In / Out et de l’Inside / Outside, la sensibilité emprunte tous les modes d’expression possibles pour mettre en forme le sentiment et lui donner ainsi une extériorité. Comment s’étonner alors que les supports, toile, carton, papier, vinyle ou même rideau de douche détourné, soient aussi divers que les techniques employées, photographie, acrylique, huile et collage ? CharlElie caractérise sa démarche comme celle d’un spécialiste de la pluralité des arts, un « multiste », dit-il. Il s’inscrit ainsi dans la lignée de ces artistes inclassables et singuliers, dont la recherche d’un art total est non seulement le produit d’une interrogation sur la nature même de l’art, mais aussi une invitation adressée à tous.
Expositions Précédentes :
Une oeuvre, une exposition Jean-Luc PARANT, Mémoire du merveilleux
TOPOLINO, Oeuvre récentes : Sète Bestiaire
Vincent CUNILLERE, duos d’ateliers
Collection David et Ezra NAHMAD
CHABAUD fauve et expressionniste
Agnès VARDA, Y’a pas que la mer
Juan GRIS, Rimes de la forme et de la couleur
VALTAT, Indépendant et précurseur